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la question sociale.

et par quelle voie il semble que puisse se dénouer une telle situation.

L’action socialiste a été triple : politique, intellectuelle et violente. Les moyens politiques ont produit de grands résultats. Décriés par les impatients, ils ont abouti, en peu de temps, à la formation d’une minorité parlementaire importante ; le bulletin de vote et les congrès ont plus fait pour la cause de la révolution sociale que les grèves et la dynamite.

Aux élections municipales du 9 janvier 1881, 57 collectivistes et communistes se présentèrent à Paris ; leur programme comportait l’établissement d’ateliers municipaux, la suppression de la police, l’impôt sur le revenu. Ils réunirent en tout 14,174 voix, et aucun ne fut élu. En août 1883, un effort fut tenté à l’occasion des élections aux conseils généraux, et un socialiste — un seul — passa dans la Nièvre. En 1885, pour les élections générales, le parti rédigea un manifeste, assez peu explicite ; on y parlait encore de la « réaction versaillaise », et la préoccupation d’« arracher la République aux riches » ne se dessinait qu’en arrière-plan. Les socialistes ne troublèrent pas les fêtes de 1889 ; ignorant ce qu’allait produire le boulangisme, ils ajournèrent leurs projets ; bientôt l’espoir fut perdu pour eux de voir sombrer la République parlementaire dans une lutte intestine de la bourgeoisie, et ils n’attendirent plus que d’eux-mêmes la réalisation de leurs théories. L’année 1891 vit « s’opérer une séparation significative entre les défenseurs et les adversaires de l’État-providence[1] ». En 1892 enfin les socialistes livrèrent

  1. André Daniel, l’Année politique, 1891.