inventions qui ont, pour l’individu, raccourci les distances et pour la pensée les ont supprimées, — l’industrie moderne qui a aggloméré les travailleurs et les a fait plus dépendants les uns des autres, — la science qui a émancipé les esprits, la démocratie qui a pénétré les mœurs, tous ces changements ont seuls rendu possible l’expérimentation probante du socialisme.
D’autre part, le mot lui-même prête à confusion, parce qu’on l’emploie dans un sens absolu, en poussant à l’extrême et jusqu’à l’absurde les idées qu’il exprime[1]. On entrevoit donc « un état social où toute initiative individuelle sera étouffée et où chacun travaillera, se reposera, dormira, mangera au commandement des chefs préposés à la garde, à la nourriture, au travail, aux récréations et à l’égalité parfaite de tous[2] ». Il y a quelque puérilité à raisonner de la sorte. On ne doit pas oublier que les socialistes ne sont pas tous des communistes rêvant « l’absorption de toutes les propriétés et de toutes les initiatives dans la toute-puissance de l’État[3] », et que beaucoup d’entre eux visent simplement à une intervention de la collectivité en vue de rétablir dans la société un équilibre toujours prêt à se rompre. En 1840, M. Thiers prononçait à la Chambre ces amusantes paroles : « Est-ce que vous croyez que les chemins de fer remplaceront jamais les diligences ? » Et tous les députés de rire devant l’énormité de la supposition ! De nos jours l’état d’esprit dans certains milieux n’est pas sans analogie avec celui des