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les idées et les mœurs.

d’ordre supérieur. Ceux qui résistent sont entraînés avec les autres. On en vient à reconnaître que tout s’acquiert, que le talent, le génie même veulent être cultivés. L’intellectualisme, « cette perversion de l’esprit qui nous réduit à ne chercher dans la vie que le spectacle de la vie[1] », en reçoit une atteinte grave. La loi du travail cesse d’admettre des exceptions : les romanciers s’y soumettent comme les philosophes. La psychologie les conquiert. Sans doute, ils écrivent des pages et des pages pour analyser toutes les futilités de l’amour vulgaire ; leurs héros favoris sont des inutiles, des impuissants qui se mesurent, se sondent, se contemplent, qui se perdent dans le dédale de leurs pensées maigres et raisonnent les petits frissons qui courent sur leur chair. Chez le plus habile de ces écrivains, celui qui manie la langue avec le plus de talent, Maupassant, on chercherait en vain un type général susceptible de durer après que la mode de ses vêtements aura passé. Néanmoins, il y a effort, il y a recherche et labeur. Le bon grain, d’ailleurs, se développe. Daudet avait déjà stigmatisé certains vices sans donner de conclusion à ses satires. Bourget conclut nettement à une restauration de la loi morale[2], et Zola indique la nécessité d’un changement dans les rapports sociaux. Sur les confins de la littérature d’imagination, presque aussi lus et aussi goûtés que les romanciers, apparaissent ceux qui, avec Eug.-M. de Vogüé

  1. L’effort, par Henry Bérenger « L’intellectuel de notre génération, dit Henry Bérenger, est un être plus complexe et plus tourmenté. Il a épuisé toutes les alternatives de ia pensée moderne, et il ne s’est satisfait avec aucune. Une sécheresse lucide a lentement cristallisé son âme ; mais il en souffre, il en meurt parfois, et c’est là sa noblesse. »
  2. Voir surtout la Terre promise.