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les idées et les mœurs.

et nouveaux ; elle lui ouvre de tous côtés de ces perspectives lointaines qui semblent étendre à l’infini les sujets qu’il traite[1]. » Au début de sa carrière, il a établi sa réputation de savant par d’importants travaux ; il s’est acquis de la sorte le droit de parler la langue aérienne d’un poète. Nul ne sait comme lui mêler la fantaisie des suppositions ingénieuses aux données exactes du savoir. La richesse de son imagination égaye les enchaînements de sa logique, comme le rève coupe la vie. On lui reprochera, il est vrai, la liberté grande qu’il prend avec certains documents ; il les brise, les émiette « pour les ajuster à son plan et en composer, comme dans une verrière[2] », la figure qu’il a conçue. On se demandera si ce que la critique allemande à laissé debout en fait de monuments d’informations concernant l’histoire d’Israël ne constitue pas un « canevas à mailles trop larges pour supporter une broderie et qui ne peut être rempli que par des visions[3] ». À l’étranger, on en est même tout scandalisé ; mais, en France, la confiance n’est pas ébranlée, et l’enchantement est complet. Taine avait introduit ia science, et voici que Renan l’a baptisée ! Elle est française, désormais. Chacun veut aller à elle du moment que son culte s’accommode des délicatesses de forme, des subtilités de sentiments et comporte l’harmonie et la grâce extérieures. Et si fort est le courant créé par ces deux influences de Taine et de Renan, qu’il provoque une déviation de toute la littérature

  1. Discours de M. Boissier à l’Académie française (séance du 26 janvier 1894).
  2. Challemel-Lacour, Discours de réception à l’Académie française (séance du 26 janvier 1894).
  3. Id.