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les idées et les mœurs.

prisable promiscuité. Les idées se gangrenèrent. On admit, notamment, en matière d’éducation, les plus étranges théories. Certains écarts de conduite furent considérés pour la jeunesse comme une épreuve salutaire, et l’indulgence qu’on affichait à l’égard de ceux qui apprenaient de la sorte à « connaître la vie » se mêla de quelque dédain envers le travail et la vertu. Le théâtre servit à exposer des thèses subversives sur le mariage et la famille. L’art aspira à un facile idéal de voluptueuse légèreté. La pensée française s’endormait comme en une vague rêverie d’opium. Chose curieuse ! l’année terrible n’apporta ni remède, ni changement. La guerre terminée, on retrouva le goût des mêmes lectures, des mêmes amusements. Seulement, la presse, devenue libre, fournit un débouché de plus à cette prose malsaine qu’à l’étranger on appelait couramment la « prose française », et l’influence de la démocratie s’exerça d’une manière plus forte et plus directe.

La démocratie pousse à la surproduction, et la surproduction entraine après soi tout un cortège de néfastes conséquences ; conséquences sociales d’abord. Que de rêves irréalisés, d’ambitions déçues qui se tournent en aigreur à l’égard de la société ! Nombreux sont les écrivains méconnus et dignes de l’être, mais convaincus de leur propre génie, qui vont grossir les rangs des mécontents et former l’état-major de la révolution. La presse produit beaucoup de ratés ; le livre encore bien davantage. D’autre part, ceux qui réussissent n’obtiennent ni sécurité, ni repos. Ils doivent vivre sur la brèche pour préserver des caprices de la fortune leur popularité si péniblement acquise. Ils sont dans l’obligation de ne s’arrêter jamais dans la voie ascen-