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les idées et les mœurs.

dit-il, n’est jamais sortie de l’instabilité politique ; jamais la vertu n’a vécu en bonne harmonie avec l’immoralité. Or l’immoralité et l’instabilité sont un double chancre dont la France est atteinte. Ses destinées sont donc irrémédiablement compromises. Telle est la conclusion de maints travaux publiés au delà de nos frontières, qui ont soulevé nos colères et nous ont fait croire à un parti pris de dénigrement, alors que leurs auteurs étaient simplement coupables d’une analyse trop serrée et de déductions trop rigoureuses. Combien de fois n’avons-nous pas récusé comme étant inspirés par la haine les témoignages d’écrivains qui s’étaient appliqués à nous juger d’après les documents fournis par nous-mêmes et classés selon la méthode scientifique ? Ni leurs raisonnements n’étaient faux, ni nos récriminations n’étaient injustes. Nous avons conscience de valoir mieux que les portraits qu’on fait de nous, mais ces portraits sont faits avec des couleurs fabriquées par nos soins ; pour nous juger sainement, il faudrait donc admettre que la manière de vivre et les habitudes d’esprit du peuple français sont depuis longtemps en désaccord, et qu’il coexiste deux France dont l’une s’amuse de ce qu’écrit l’autre, sans le mettre en pratique. Une semblable dualité d’existence nationale a beau n’être pas rare dans nos annales[1], elle s’impose difficilement à l’esprit.

En ce qui concerne les mœurs publiques, nous avons

  1. Au moment de la grande Révolution, observe M. Goumy (La France du centenaire, 1889), la France présentait un extraordinaire spectacle : « Ses armées l’avaient faite si forte qu’elle imposait la paix à deux des grandes puissances coalisées contre elle, et ses gouvernants l’avaient faite si misérable qu’elle n’avait ni administration, ni finances, ni justice, ni police, »