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la nation armée.

désœuvrement sont lamentablement employées. Quand le travail est fini, on les met sur le pavé. Où peuvent-ils aller ? Que faire ? Personne ne s’occupe d’eux. Leur tâche de soldat est terminée ; on ne s’avise pas qu’ils sont des hommes et qu’on leur doit la « vie totale » pendant tout le temps de leur séjour au régiment. L’officier a rarement conscience de cette partie de sa mission[1]. Il est tout à ses devoirs professionnels. Dans certains régiments de cavalerie, il a même une tendance à faire passer les chevaux avant les hommes ; en tout cas, il ne voit ceux-ci qu’au point de vue du métier et des services qu’ils auront à rendre en campagne. Il se sentirait intimidé et se trouverait ridicule s’il avait à faire acte d’éducateur. Or c’est là précisément ce qui est nécessaire. Jamais un plus beau champ d’éducation n’a été ouvert aux bonnes volontés. Si parfois la vie de garnison est monotone, si Jon se sent, à certaines heures, agacé et découragé par cette perpétuelle préparation à une guerre dont la perspective fuit toujours, quelle source d’intérêt, d’émotions, de satisfactions ne serait-ce pas que de chercher à travailler les âmes en même temps que les muscles ! Avec une pareille besogne à accomplir, qu’y aurait-il à redouter de cet esprit particulariste qui, plus qu’on ne le pense, fait du tort à l’armée, en solidarisant parfois, dans la routine, les officiers d’une même arme, d’une même promotion, d’une même origine ?

Si l’armée, en effet, est moralement une, il faut reconnaître que le corps des officiers est professionnellement divisé. Fantassins, cavaliers, artilleurs, ont des préventions

  1. Voir le célèbre article paru dans la Revue des Deux Mondes sous ce titre : « Du rôle social de l’officier. »