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la nation armée.

patriotisme absolus. Un jour vint où le président Carnot, à l’issue des grandes manœuvres, put passer la revue des troupes et où la foule enthousiasmée l’acclama. Les officiers supérieurs se groupèrent autour de lui, touchés, à la fin, de cette sollicitude éclairée, de cette confiance inaltérable témoignées par la République à ses soldats ; et quand la République eut donné pour sœur à l’armée française l’armée russe, leur cœurs furent gagnés ; ils oublièrent que leur chef suprême fût un civil ; le destin lui réservait d’ailleurs, pour récompense, la mort d’un soldat.

Depuis vingt-cinq ans que la France vit dans l’état de paix armée, ses régiments se sont assez de fois renouvelés pour qu’on puisse chercher à se former un jugement d’ensemble sur les résultats atteints ; résultats multiples et assez imprévus, sur plus d’un point du moins. Trois catégories de citoyens ont passé sous les drapeaux : des paysans, des ouvriers et des bourgeois ; et plusieurs générations d’officiers se sont élevées aux grades intermédiaires, sortant des écoles ou du rang. On peut compter qu’au delà du grade de commandant, le passé se mêle, dans les influences subies, au présent, tandis qu’en decà, c’est bien l’armée nouvelle. Cette armée est, dans ses origines, nationale et égalitaire, au premier chef. S’il restait sous couvert des petites particularités provinciales qui subsisteront toujours, quelque ferment de vraie discorde entre hommes du Nord et du Midi, de l’Est et de l’Ouest, cela s’est fondu par le contact. L’unité était faite dès longtemps ; elle s’est parachevée, s’est polie, en quelque sorte. Les préjugés se sont affaiblis ; les esprits se sont ouverts à des conceptions nouvelles ; les intérêts de clocher ont perdu