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la nation armée.

sont, il est vrai, qu’une poignée. La grande majorité émigre ; parmi les émigrés, les uns ne cherchent que le salut et mènent, hors de France, une vie de privations et de travail non exempte de dignité, mais les autres portent les armes contre leur patrie et volontiers consentiraient à restreindre ses frontières au profit des étrangers qui les aideraient à restaurer le trône. Parmi ceux-là, il y a des criminels qui savent ce qu’ils font ; il y a aussi beaucoup d’inconscients qui n’ont rien compris, rien appris, et continuent de ne voir dans la France que le domaine du Roi dont ils sont, eux, les humbles serviteurs. Tout le monde est d’accord, à présent, pour reconnaître que la patrie était du côté de la Convention. « Les révolutionnaires avaient beau être les disciples des philosophes, se guider par des principes généraux et faire des lois de raison pure ; ils ont déclaré sacré et indivisible le sol national, traité l’invasion comme un sacrilège, proclamé avec un enthousiasme tragique et la déclamation du tocsin le devoir de tous envers la patrie en danger[1]. » « Le principe de toute souveraineté réside dans la nation… la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs mandataires à sa formation », dit la Déclaration des droits. La nation, ainsi définie, fait un contraste absolu avec les États d’autrefois.

    un esprit « avancé » à qui le devoir patriotique s’impose tout naturellement, bien qu’il n’épouse pas toutes les illusions de ses contemporains. On a décrit aussi, avec la préoccupation d’excuser son libéralisme, la carrière de ce comte de Virieu qui joua au siège de Lyon un si noble rôle et plaça toujours la patrie au-dessus de la royauté. (Voir le Roman d’un royaliste, par le marquis Costa de Beauregard.)

  1. Lavisse, Vue générale de l’Histoire de l’Europe.