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la nation armée.

ques n’ont pas eu d’écho ; il parlait une langue que la foule n’entendait pas. Lessing écrit que « la réputation de patriote est la dernière » qu’il ambitionnerait ; il se proclame « citoyen du monde ». « Patrie, patriotisme, ce sont là des mots, écrit Gœthe en 1772, rien que des mots. Si nous trouvons un endroit dans le monde où nous puissions être tranquilles avec ce que nous possédons, un champ pour nous nourrir, une maison pour nous abriter, n’avons-nous pas là une patrie[1] ? » « L’intérêt patriotique, écrit Schiller en 1789[2], n’a de valeur que pour les nations qui ne sont pas encore mûres, pour la jeunesse du monde. » Kant et Fichte marquent une transition lente ; Stein seul entrevoit nettement la patrie allemande[3]. Or, on est en 1814, et il se trouve encore si en avance sur ses compatriotes que toute cette portion de son œuvre demeure incomprise. Ce sera Hegel qui proclamera l’État « la réalité absolue » et dira que « l’individu n’a d’objectivité, de vérité et de moralité qu’en temps qu’il est un membre de l’État ».

Chez nous, en 1788, les patriotes tiennent leurs regards fixés sur les États généraux qui vont s’assembler ; ils attendent l’heure d’oser. Parmi les abdications de la nuit du 4 août, plusieurs sont sincères. On le voit quand arrivent les heures sombres. Tous ne fuient pas. Ceux chez qui la notion de la patrie moderne est complètement formée sentent où est leur devoir[4] et l’exécutent. Ils ne

  1. Annonces savantes de Francfort.
  2. Lettre à Kœrner,
  3. Lévy-Bruhl, L’Allemagne depuis Leibnitz.
  4. Le général de Marbot, au début de ses Mémoires, consacre quelques lignes à son père ; on devine, derrière cette physionomie à peine entrevue,