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l’éducation.

au lieu et place de cette corporation, le département de l’instruction publique, c’est-à-dire l’enseignement de l’État à côté de l’enseignement libre. M. Duruy se trouvait un peu dans la même situation que Guizot. Il fonda pourtant cette École des hautes études, base première de la réforme et qui fut véritablement un foyer d’esprit — sinon de vie — universitaire. C’est après 1870 que le réveil eut lieu. On s’avisa tout à coup du rôle que les étudiants allemands avaient joué dans le rétablissement de l’Empire, et, par comparaison, on constata avec étonnement que la France n’avait pas d’étudiants.

Entendons-nous. Elle en avait neuf mille contre vingt-deux mille en 1893. L’écart est grand en quantité ; mais en qualité, il est immense. Les neuf mille suivaient quelques cours, ou plutôt étaient inscrits en vue de certains examens ; ils s’y préparaient, isolés, délaissés ; ils étudiaient ; ce n’étaient point des étudiants. Ce qui caractérise avant tout les étudiants, c’est la solidarité : solidarité dans les travaux, dans les amusements, dans l’effort, dans l’émotion, solidarité non seulement avec les camarades plus âgés ou plus jeunes qui arrivent et qui partent, mais avec les maîtres dans la recherche passionnée du progrès scientifique : une université individualiste où chacun ne travaillerait qu’à son propre avancement et ne songerait qu’à son propre avenir, serait une institution en quelque sorte contre nature. Loin de produire de la force collective, elle engendrerait le desséchement et la désagrégation. Chaque fois que la jeunesse d’un pays se trouve agglomérée dans un lieu de travail, si ce lieu est un foyer de vie nationale, c’est qu’il y a, entre ceux qui s’y trouvent réunis, excès de