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l’éducation.

Le conseil supérieur de l’instruction publique avait devant lui une besogne particulièrement délicate ; de l’ensemble des plaintes, des critiques, des projets, des vœux formulés de toutes parts, rien ne se dégageait qui pût servir d’indication ; le but même à atteindre demeurait imprécis. Chacun sentait la nécessité des réformes ; personne ne savait dans quel sens les accomplir. Des réquisitoires ingénieux et séduisants avaient été dressés contre les études classiques ; la guerre leur était déclarée par les universitaires mêmes[1] ; ils s’essayaient à la liberté de pensée et rédigeaient des plans d’amélioration avec toute la bonne volonté et la gaucherie qui distinguent les esprits récemment émancipés. On prônait les sciences exactes, escomptant les effets d’une philosophie cachée, voire même d’une morale inédite dont elles auraient contenu les précieux germes[2] ; et surtout on n’appréciait plus, en fait de connaissances, que la quantité, si bien que les programmes allèrent se surchargeant sans cesse, les nomenclatures s’allongeant, les examens se multipliant, et qu’on put entrevoir, dans l’avenir, la France soumise au régime du mandarinat.

  1. Voir la Question du latin, par M. Raoul Frary. Les partisans des lettres y répondirent, avec M. Michel Bréal, que « ce serait pure folie de travailler de nos propres mains à détruire des études avec lesquelles tout notre passé est si intimement lié ». (De l’Enseignement des langues anciennes, par M. Bréal.)
  2. « Elle (la science) mûrit le caractère en lui communiquant par une sorte de contagion la fixité des lois naturelles. Elle lui apprend tout ensemble l’obéissance et la liberté, en l’affranchissant des tutelles inférieures pour le courber devant la seule autorité respectable ; elle le délivre des superstitions et lui donne l’indépendance véritable en le soumettant à un maître unique. De plus, la science est une poésie et une religion ; elle secoue l’âme du noble frisson de l’immense et de l’éternel, et en l’agrandissant l’élève et par là la purifie. » Berthelot, La crise de l’enseignement secondaire. La science éducatrice. (Revue des Deux Mondes du 15 mai 1891.)