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l’éducation.

bagage pédagogique, et que si l’heure est venue de se passer de leur concours, il sera plus difficile de se passer entièrement de leurs doctrines.

Ce n’est pas seulement l’enseignement moral, c’est aussi l’enseignement général qui a produit un certain désenchantement ; ici, il est vrai, le mal est moindre, et le remède plus à portée. On a trop attendu du simple contact de la science, de la contemplation béate de la nature, tant pour former les élèves que pour préparer les maîtres. Il y a eu abus de musées, de monographies ; les leçons de choses ont envahi les manuels et alourdi les méthodes ; ce cadeau de la pédante Allemagne s’approprie mal à l’esprit français, apte à subir l’influence des idées et celle des hommes bien avant celle des choses. Sans admettre avec M. Francisque Bouillier que « les élèves d’avant 1871 en savaient tout autant, sinon davantage, que ceux qui leur ont succédé depuis le règne de la pédagogie[1] », on se demande s’ils ne comprenaient pas mieux ce qui leur était enseigné et si les quelques notions très irrégulièrement semées dans leur esprit n’y germaient pas plus à l’aise que ne le peuvent faire les notions soigneusement étiquetées et cataloguées dont on les gave aujourd’hui.

Et quant à la nature, pas plus que la science, elle n’exerce d’action directe et immédiate sur l’enfant. L’âme humaine est recouverte d’une sorte de vernis animal dont elle doit être dépouillée premièrement. « Menez un soir quelques-uns de vos élèves, a écrit M. Buisson, le très distingué directeur de l’enseignement primaire, à quelques pas de

  1. La Pédagogie et les Pédagogues, par M. Fr. Bouillier. (Correspondant du 25 août 1892.)