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l’éducation.

tique à remplir ; qu’une fois pourvus d’un poste, ils auront à lutter contre certaines influences, à défendre certaines idées ; au lieu que le mot : laïque signifie neutre, non confessionnel, il a pris, quand il s’agit de l’école primaire, le sens d’antireligieux, en sorte « qu’une école cesse d’être laïque si on y prononce le nom de Dieu[1] ».

Même jugement faussé chez l’adversaire ; on a oublié tout ce que la loi scolaire renfermait de bon et d’utile, le principe d’obligation et de gratuité qu’elle consacrait et qui est si conforme aux aspirations de la démocratie ; on a oublié les programmes sagement établis, cette ardente volonté de bien faire qui animait les réformateurs, leur souci de ménager les transitions en ne laïcisant les écoles que peu à peu. Tout a disparu devant la controverse politico-religieuse que la loi provoqua et derrière laquelle s’abritent toutes les rancunes, toutes les haines du passé : on n’a plus vu qu’une chose dans la loi, les amendements qui n’y sont pas.

L’enseignement « moral et civique » qu’elle instituait n’a rien en lui-même d’antireligieux. Matthew Arnold, le célèbre écrivain anglais, conte comment, visitant des écoles communales de Paris, il assista à l’interrogatoire habituel que le maître pose aux tout jeunes enfants : À qui sommes-nous redevables de cette belle classe, de ces bancs, de ces jolies images ? — Au lieu du traditionnel : C’est à Dieu — l’élève répondit ces mots plus précis : C’est à la

  1. Le Temps du 4 octobre 1894. On comprend que les choses ne changeront que lorsqu’on aura retiré aux préfets la nomination des instituteurs et émancipé les inspecteurs d’académie de la tutelle préfectorale. Jusque-là l’instituteur sera choisi pour des motifs autres que des motifs scolaires et restera un agent politique.