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l’éducation.

Le peu qu’il sait sur une question, c’est pour lui, trop souvent, la question tout entière ; aussi a-t-il une tendance à porter inconsidérément sur les hommes et les choses des appréciations téméraires et des jugements absolus. En classe, il lui arrive d’affirmer d’énormes sottises, d’un ton dogmatique qui semble défier toute contradiction, et c’est pitié de l’entendre exprimer des opinions intransigeantes sur des faits sociaux, politiques et religieux qui n’ont plus de mystères pour lui dès qu’il a lu dix lignes d’un mauvais petit journal[1]. » Pour atténuer ce que ce jugement contient de trop sévère, il faut rappeler que de nombreuses exceptions honorent le corps des instituteurs ; il faut aussi se souvenir de l’abnégation dont s’inspirent leurs actes[2].

Les bons conseils, assurément, ne leur manquent pas. « Ne croyez pas, leur dit-on, que vos chefs vous pèseront au poids des parchemins qu’ont acquis vos élèves ; attachez moins d’importance à l’obtention d’un brevet ou d’un certificat, plus d’importance aux bons instincts et à l’éducation morale. Le meilleur maître n’est pas celui qui se pare du plus grand nombre de succès dans les concours : c’est celui dont l’école a formé le plus d’honnêtes gens[3]. » Ce langage leur est tenu fréquemment, mais ils ne sont pas élevés de manière à le pouvoir comprendre, encore moins le mettre en pratique ; il leur reste toujours et malgré tout cette impression qu’ils ont une tâche poli-

  1. Le programme des Écoles normales, par É. Devinat, directeur de l’École normale. (Revue pédagogique, août 1892.)
  2. On sait que ce sont les instituteurs eux-mêmes qui ont demandé la suppression de l’exemption du service militaire dont ils bénéficiaient.
  3. Conseils aux instituteurs, tiré d’un Bulletin scolaire départemental.