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la république et l’église.

esprit libéral ? Mais alors ce n’est plus une évolution, c’est une révolution. C’est le catholicisme rejoignant soudain la Réforme, c’est la grande charte d’émancipation donnée à l’Église, c’est la liberté d’agir, presque la liberté de penser reconnue officiellement à tous les fidèles, et cela, moins de vingt-cinq ans après le concile du Vatican ; c’est aussi la porte du catholicisme rouverte à bien des hommes qui s’en étaient écartés à regret, le croyant décidément incompatible avec le siècle.

Les religions passent successivement par trois états : la superstition, la logique et la philosophie. Quand règne la superstition, tout est forme, paroles, images, dévotions de détail, croyances fragmentées ; le culte apparaît comme définitif, à cause de l’importance qu’on lui attribue ; tout manquement à ses prescriptions semble plus grave que le manquement à la loi morale elle-même ; chez ceux qui entendent la religion de cette façon-là, il peut exister une certaine tolérance de surface, produit de la bienveillance naturelle ou de l’aménité du caractère, mais l’intolérance existe nécessairement en arrière-plan. Les hommes sont en général très satisfaits et prennent d’eux-mêmes une idée glorieuse quand ils passent de l’état de superstition à l’état de logique. La pensée de professer une religion raisonnable, compatible avec leurs connaissances exactes, les charme et les rehausse à leurs propres yeux. En réalité, il n’existe guère de culte raisonnable ; les protestants, qui croient à l’incarnation de Jésus-Christ, — Dieu se faisant homme, — ne croient pas quelque chose de plus raisonnable, au point de vue humain, que les catholiques professant que cette incarnation se renouvelle chaque jour à la