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la république et l’église.

ne leur avait parlé qu’à demi-mot et à voix basse[1] ». Il vit que « des hommes faits à l’image du Créateur sont considérés par d’autres hommes comme des pièces de machine ou des bêtes de somme », et comprit que « jusqu’au moment où leur condition matérielle sera améliorée, il est futile de leur parler de vie surnaturelle[2] ».

La France se trouvait à portée pour servir les desseins du Pape, dès qu’il les eut arrêtés. L’Amérique était trop lointaine, trop solitaire ; les prêtres de là-bas sont réputés avoir une façon à eux de concevoir la religion et de la pratiquer. Les mots et les faits prennent une signification différente de l’autre côté de l’Océan. En Angleterre, l’esprit d’indépendance et d’initiative du citoyen est si général qu’une forte dose de liberté lui est reconnue, même dans le domaine théocratique. Il fallait frapper plus au centre du monde catholique, là où s’élaborent, à côté de doctrines libérales, des doctrines intransigeantes, où on ne craint pas d’enseigner, dans certains milieux, que le « libéralisme est un péché », où se cotoient et se heurtent l’enthousiasme exalté et le conservatisme aveugle. La France, d’ailleurs, avait vu se lever, un demi-siècle plus tôt, l’aurore du démocratisme religieux ; depuis lors la République l’avait conquise sans rompre les liens établis entre le clergé et l’État. L’action pontificale enfin y était à la fois voisine et puissante. C’était donc le meilleur terrain d’évolution, dès que se seraient apaisées les querelles d’ordre secondaire, dès que des paroles de paix

  1. Discours prononcé à Baltimore le 18 octobre 1893 par Mgr Ireland, archevêque de Saint-Paul.
  2. Id.