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la république et l’église.

les vicariats apostoliques et créé, en quelque sorte, la presse religieuse, le journalisme catholique, mais il laissait le Saint-Siège dans les relations les plus difficiles avec la plupart des princes comme avec la plupart des cabinets de l’Europe. Il fallait, sans compromettre les résultats acquis, remédier à ces fautes. Ou chercher la force pour s’y appuyer ?… Le César allemand et la démocratie gauloise demeuraient face à face, incarnations des deux forces qui se disputent aujourd’hui l’univers. Léon xiii ayant mûrement réfléchi sur les événements, mit sa main dans celle de la République. L’acte parut si soudain et eut un tel retentissement qu’il déconcerta tous les partis, au point que « dans les commencements, personne ne pouvait ni ne voulait y ajouter foi ».

Il fallait émanciper le catholicisme de la tutelle monarchiste[1]. Léon xiii résolut de le soustraire, en même temps, à l’influence des riches en leur enlevant des mains l’Évangile, le livre par excellence de la démocratie. Il jugea qu’il était temps d’apprendre aux ouvriers, « non seulement leurs devoirs dont ils avaient les oreilles rebattues, mais aussi leurs droits dont, jusque-là, le clergé

  1. « En s’alliant à un pouvoir politique, la religion augmente sa puissance sur quelques-uns a dit Tocqueville (De la démocratie en Amérique), mais elle perd l’espérance de régner sur tous. Tant qu’une religion ne s’appuie que sur des sentiments qui sont la consolation de toutes les misères, elle peut attirer à elle le cœur du genre humain. Mêlée aux passions amères de ce monde, on la contraint quelquefois à défendre des alliés que lui a donnés l’intérêt plutôt que l’amour, et il lui faut repousser comme adversaires des hommes qui souvent l’aiment encore tout en combattait ceux auxquels elle s’est unie. Si le catholicisme parvenait enfin à se soustraire aux haines politiques qu’il a fait naître, je ne doute presque point que ce même esprit du siècle qui lui semble si contraire ne lui devint très favorable et qu’il ne fit tout à coup de grandes conquêtes. »