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la république et l’église.

chargés de régler la forme extérieure des religions dans les siècles démocratiques doivent bien faire attention à ces instincts naturels de l’intelligence humaine pour ne pas lutter sans nécessité contre eux… Une religion qui deviendrait plus minutieuse, plus inflexible et plus chargée de petites observances dans le même temps que les hommes deviennent plus égaux, se verrait bientôt réduite à une troupe de zélateurs passionnés au milieu d’une multitude incrédule, tandis qu’un peuple aristocratique est toujours enclin à placer des puissances intermédiaires entre Dieu et l’homme[1]. »

Il est donc erroné de croire que l’évolution à laquelle la République française servit de centre et de prétexte ait eu pour cause première et unique les dispositions personnelles du Souverain Pontife ; elle a été catholique comme l’Église elle-même, c’est-à-dire universelle, et c’est pourquoi on peut penser, avec M. Spuller, que cette évolution « est appelée à décider de toute une orientation nouvelle des sociétés humaines[2] ». Elle s’applique aux unes comme aux autres et n’est que l’aboutissement des efforts longs et persévérants du parti libéral. Au début de son pontificat, Léon xiii hésita quelque temps avant d’apercevoir d’une manière précise ce que commandait l’intérêt de la religion. Il se souvint du Saint-Empire romain germanique et crut que le pouvoir monarchique, isolé et fortifié par son isolement même, allait reprendre la direction du monde ; de là son attitude envers l’Allemagne. Pie ix, son prédécesseur, avait rétabli l’unité liturgique, multiplié

  1. A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. iii.
  2. Eug. Spuller, L’évolution politique et sociale de l’Église.