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la république et l’église.

l’accord de la science et de la foi était possible. C’est une question vitale ; on l’a discutée passionnément. M. Taine, dans un passage célèbre de son dernier ouvrage, a mis en opposition les « deux tableaux » : celui de la science, « qui est encore en cours d’exécution et en voie d’avancement », dont les peintres « travaillent d’après nature et s’invitent à comparer incessamment la peinture au modèle », et celui de la foi, différent de conception, de développement, de procédés. « De là, dit-il, dans l’âme de chaque catholique un combat et des anxiétés douloureuses : Laquelle des deux conceptions faut-il prendre pour guide ? Pour tout esprit sincère et capable de les embrasser à la fois, chacune d’elles est irréductible à l’autre. Chez le vulgaire, incapable de les penser ensemble, elles vivent côte à côte et ne s’entre-choquent pas, sauf par intervalles et quand, pour agir, il faut opter. Plusieurs, intelligents, instruits et même savants, notamment des spécialistes, évitent de les confronter, l’une étant le soutien de leur raison, et l’autre la gardienne de leur conscience ; entre elles et pour prévenir les conflits possibles, ils interposent d’avance un mur de séparation, une cloison étanche qui les empêche de se rencontrer et de se heurter. D’autres enfin, politiques habiles ou peu clairvoyants, essayent de les accorder, soit en assignant à chacune son domaine et en leur interdisant l’accès de l’autre, soit en joignant les deux domaines par des simulacres de ponts, par des apparences d’escaliers, par ces communications illusoires que la fantasmagorie de la parole humaine peut toujours établir entre les choses incompatibles et qui procurent à l’homme sinon la possession d’une vérité, du moins la jouissance