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la république et l’église.

eurent, au contraire, l’impression bien nette que l’école serait le point vulnérable sur lequel les réactionnaires concentreraient leurs efforts, la fissure par laquelle ils chercheraient à introduire le pic dans l’édifice nonveau. Leur principal souci fut donc de la laïciser et de la remettre en mains sûres. Si la question avait été posée un peu moins brutalement[1], si les catholiques, d’autre part, avaient formulé leurs prétentions sur un ton moins agressif et donné à leur résistance une allure moins violente, la réforme n’eût pas été accomplie d’une manière aussi radicale ; on eût obtenu bien des tempéraments que les esprits libéraux ont regretté de n’avoir pu introduire dans la loi ; telle, par exemple, la faculté pour les ministres du culte de donner l’enseignement religieux à l’école, une fois par semaine, en dehors des heures de classe[2]. La neutralité

  1. « Tout le monde sait aujourd’hui que les projets de M. Jules Ferry n’ont guère été soumis au conseil que pour la forme, que les autres ministres en ont à peine entendu la lecture, sans se rendre compte exactement de leur portée et du retentissement qu’ils allaient avoir. » (Revue des Deux Mondes, Chronique.) Cette assertion paraît fort exagérée.
  2. En juin et juillet 1882, lors de la discussion de la loi sur l’enseignement secondaire, Jules Ferry repoussa en ces termes la proposition relative à l’interdiction aux ecclésiastiques d’enseigner, proposition que soutenait, entre autres, M. Madier de Montjau : « Oui, c’est la persécution du clergé qui a perdu la Révolution française. C’est là la leçon de l’histoire, et, malgré vos réclamations, il n’y a pas un esprit ayant réfléchi quelque peu sur ces choses qui ne soit prêt à le reconnaître. Nous vous l’avons dit quand nous avons commencé avec vous la lutte contre le cléricalisme, nous l’avons dit au Sénat : Notre politique est anticléricale ; elle ne sera jamais antireligieuse… Si vous voulez retirer l’enseignement aux prêtres, ce n’est pas parce qu’ils sont des fonctionnaires, c’est parce que leurs doctrines vous inquiètent. Eh bien ! ce n’est pas en mettant le clergé hors la loi ou, comme vous l’avez dit, en cherchant à en avoir raison que vous aurez raison des doctrines. Vous vous débarrasserez du clergé enseignant, mais il faudra aussi vous débarrasser des laïques catholiques enseignant. C’est donc au catholicisme que vous aurez à faire la guerre, Eh bien ! c’est là une politique dans laquelle nous n’entrerons jamais, et je le dis d’accord