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le triomphe de la république.

du gouvernement suisse des excuses pour une insulte grave faite à la France pendant le carnaval de Berne[1]. Une méprisable tentative de discrédit fut dirigée contre les Caisses d’épargne et faillit causer une panique[2]. À chaque instant, on se croyait trahi : on dénonçait comme vendus à l’étranger, tantôt un journal, tantôt une agence de nouvelles politiques. La dénonciation la plus retentissante fut formulée par M. Déroulède contre M. Clemenceau en termes d’une éloquence indignée : le leader du parti radical paya, ce jour-là, en voyant toutes les mains se détourner de la sienne, le plaisir immoral qu’il avait pris à jouer à la politique comme on joue à la Bourse, à entretenir dans l’opinion de dangereuses utopies, à entraver continuellement la marche des affaires ; toute son existence politique n’avait eu qu’un but : détruire, et qu’un moyen : l’intrigue. Les hommes sont mus, le plus souvent, par le désir ardent de se dépasser, de se supplanter les uns les autres : celui-là n’était pas anxieux de gagner lui-même ; empêcher les autres de gagner lui suffisait ; il ne souhaitait qu’une puissance négative et aimait à l’exercer, à l’imprévu ; son dilettantisme morbide le poussait à paralyser les initiatives, à

  1. Une cavalcade internationale contenait un groupe représentant la France ; on y voyait le chef de l’État et les ministres conduits, les menottes aux mains, entre des gendarmes.
  2. La question des Caisses d’épargne avait fait l’objet, l’année précédente, d’un projet de loi. En 1875, le total des sommes déposées ne dépassait pas 680 millions. En 1891, il était de 3 milliards 655 millions : ce résultat s’expliquait tant par la méfiance causée par les désastres financiers que par les facilités accordées aux déposants : fondation en 1881 de la caisse postale, fixation à 2,000 au lieu de 1,000 francs du dépôt maximum, etc. Au lieu d’un séjour provisoire, les petits capitalistes trouvaient dans la caisse d’épargne un placement définitif, l’intérêt étant élevé. M. Siegfried proposa, dans un amendement qui porte son nom, d’autoriser la Caisse des dépôts à employer les ressources provenant des caisses d’épargne en prêts directs aux communes.