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le triomphe de la république.

On nomma une commission d’enquête présidée par M. Brisson : on réclama l’autopsie du baron de Reinach, et, entre temps, on renversa le ministère, qui s’y attendait. Une nouvelle reconstitution du cabinet s’opéra le 5 décembre sous la présidence de M. Ribot[1].

C’est alors qu’intervint une révélation sensationnelle du Figaro. Il s’agissait d’une visite nocturne faite au docteur Cornélius Herz par MM. Rouvier, Clemenceau et le baron de Reinach, peu d’heures avant la mort de ce dernier. Le gros public entendait, pour la première fois, prononcer le nom de l’aventurier américain dont l’extraordinaire influence était connue depuis longtemps dans le monde politique sans qu’il fût possible d’en pénétrer les causes[2]. En ce qui concerne M. Rouvier, le fait était exact : il avait agi avec imprudence en s’employent, lui ministre des finances, à servir les intérêts de M. de Reinach ; mais son intervention s’était exercée utilement dans maintes circonstances analogues ; son rôle dans l’affaire du Comptoir d’escomple ou dans celle de la Société des dépôts et comptes courants lui avait valu les éloges des capitalistes, et la baisse que causa à la Bourse la nouvelle de sa retraite disait assez clairement la reconnaissance que ceux-ci lui

  1. MM. Brisson et Casimir-Périer avaient échoué dans la tâche de former un cabinet, M. Ribot conserva ses anciens collègues ; il se borna à remplacer MM. Ricard et Jules Roche par MM. Ch. Dupuy et Siegfried. M. Dupuy prit l’instruction publique ; son prédécesseur, M. Léon Bourgeois, eut les sceaux. M. Siegfried entra au commerce.
  2. C’est ainsi que le docteur Herz avait été élevé en 1886 à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur. M. de Freycinet, auquel on demanda compte de cette nomination, fut assez embarrassé de s’en expliquer. Le docteur Herz était le type du politicien américain véreux, type inconnu en Europe : la corruption était pour lui non seulement une arme, mais un sport. Il ne se contentait pas de s’en servir : il y prenait plaisir.