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le triomphe de la république.

tage que la haine de la République, aimeraient à lui voir substituer un régime plus enclin à favoriser leur noble oisiveté. L’opposition de droite cherchait un moyen d’utiliser ces fâcheuses tendances à la calomnie ; elle était en quête de quelque énorme scandale qui pût faire du tort au gouvernement. Ce serait la dernière carte ; autant la jouer tout de suite.

La compagnie de Panama avait fait faillite, et cette faillite avait atteint cruellement la petite épargne ; l’énormité des sommes englouties dans ce désastre, les personnalités compromises, certains indices qui laissaient soupçonner de coupables agissements, tout contribuait à donner à cette affaire une portée exceptionnelle. On résolut donc de s’en servir ; le complot fut organisé dans le plus grand secret, et, le 21 novembre 1892, M. Delahaye, député d’Indre-et-Loire, monta à la tribune d’un air plein de mystère, pour insinuer que le parti républicain, pourri jusqu’à la moelle, avait dévoré en subventions et en « pots-de-vin » l’argent souscrit pour le percement de l’isthme des Panama. La mort d’un financier de mauvaise réputation, le baron J. de Reinach, survenue à la veille de l’interpellation dans des conditions qui firent croire à un suicide, en souligna l’opportunité d’une manière dramatique. À la Chambre, l’unanimité se trouva réunie aussitôt dans le désir, réel ou feint, de « faire la lumière ». Le président du conseil, M. Loubet, dont l’honnêteté s’indignait, les députés républicains jaloux de se justifier sans retard, les socialistes heureux d’atteindre « l’infâme capital », les monarchistes joyeux du tort fait à la République, se trouvèrent d’accord ; les coupables, s’il y en avait, criaient plus fort que les autres.