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le triomphe de la république.

cela avait d’abord amusé, puis frappé l’imagination populaire. Quand survenait une affaire comme celle de la mélinite (1891), le public s’en emparaît, s’y passionnait, avide de détails inattendus. Une multitude de journaux les lui versaient jour par jour et, quand les circonstances s’y prêtaient, heure par heure. Ce public était ravi d’apprendre que M. Laur avait, du haut de la tribune, déversé l’injure sur M. Constans, alors ministre de l’intérieur, et que celui-ci, indigné, avait giflé son insulteur[1] ; il se pâmait d’aise devant les violentes diatribes de M. Drumont et jugeait fort ingénieux les indignes soupçons dirigés contre un homme vertueux et droit entre tous, l’un des meilleurs serviteurs de la patrie, M. Burdeau[2] ; il s’intéressait enfin aux efforts tentés pour atteindre le Président de la République, quelque hors d’atteinte qu’il parût. On s’ingéniait à « découvrir » M. Carnot en lui supposant des préférences politiques marquées, des ingérences inconstitutionnelles ou quelque arrière-pensée tendant à assurer sa réélection[3].

Ces manœuvres trouvaient surtout un écho parmi la population parisienne ; elles étaient recueillies, en province, par ces jeunes hobereaux qui, n’ayant reçu en héri-

  1. Cet incident occasionna dans la Chambre quelques pugilats : on appela cette journée la « journée des gifles ». À la reprise de la séance, qu’on avait dû suspendre, M. Constans s’excusa d’avoir cédé à un mouvement de colère bien légitime.
  2. M. Burdeau, rapporteur du projet de renouvellement de la Banque de France, avait conclu à son adoption. Drumont l’accusa d’avoir été payé par les Rothschild. Poursuivi et ne pouvant fournir la moindre preuve de son dire, il fut sévèrement condamné, M, Burdeau mourut président de la Chambre en 1894 : il ne s’était jamais consolé d’avoir été soupçonné.
  3. On commençait déjà à en parler, bien que deux années dussent encore s’écouler avant la fin du septennat.