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le triomphe de la république.

quinze millions en or consenti par la Banque de France à la Banque d’Angleterre à la suite de la débâcle des finances argentines[1]. Bien avant qu’on sût ce que la flotte française allait faire à Cronstadt en cette même année 1891, des pourparlers avaient eu lieu entre l’ambassade de France à Londres et le gouvernement britannique au sujet d’un « gage d’amitié » que l’Angleterre désirait donner à sa « puissante voisine ». La Reine, qui avait pris l’habitude de venir presque chaque année passer quelques semaines d’hiver dans le midi de la France et y trouvait l’accueil le plus empressé, souhaitait une occasion de manifester sa reconnaissance. Il fut alors décidé que la flotte française, commandée par l’amiral Gervais, après avoir visité Stockholm et Cronstadt, se rendrait à Portsmouth[2]. En toute autre circonstance, la réception faite à nos marins en Suède et en Angleterre eût passé pour extrêmement chaleureuse ; mais l’éclat en fut effacé par l’explosion d’en-

  1. Cet acte d’internationalisme capitaliste ne déplut pas aux socialistes : il soulignait la solidarité des « bourgeois » et légitimait celle des prolétaires. Interpellé à ce sujet par M. Laur, le ministre des finances fut approuvé par 419 voix contre 29, M. Rouvier avait toute l’autorité nécessaire pour pratiquer une semblable politique : avec lui, les excédents avaient reparu dans nos budgets. La cote de la Bourse démontrait l’excellence du crédit public. Aussi pour l’émission des rentes perpétuelles 3 % le 10 janvier 1891, l’État, qui demandait 869,500,000 francs, se vit offrir 14 milliards et demi.
  2. La négociation se précisa pendant le séjour en Angleterre de l’empereur Guillaume. Son entrée presque triomphale dans Londres, son attitude à Guildhall, les bruits d’accession de l’Angleterre à la Triple Alliance, mécontentaient l’opinion modérée. M. Waddington laissa habilement percer quelque ombrage, et l’invitation fut adressée à l’escadre française. Nos navires étaient déjà en route, et bientôt les nouvelles de Cronstadt parvinrent à Paris. Le ministère se trouva dans une grande perplexité : on ne pouvait refuser l’invitation anglaise, et d’autre part il fallait craindre d’affaiblir la portée des fêtes de Cronstadt en leur donnant un lendemain, et surtout dans les eaux britanniques. Le tact et la dignité de l’amiral Gervais et de ses officiers triomphèrent des difficultés de la situation.