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la crise (1885-1889).

Dans le parti républicain, l’union se faisait instinctive et absolue ; les nuances s’effaçaient ; la bonne volonté devenait générale. Les députés s’empressèrent à faciliter le vote du budget. La situation, d’ailleurs, était bonne. Les quatre premiers mois de 1889 accusaient une plus-value de 19 millions sur le rendement des impôts indirects par rapport à 1888, et le ministre des finances avait doublé son autorité sur le Parlement par son attitude dans l’affaire du Comptoir d’escompte[1]. Le scrutin d’arrondissement avait été rétabli sur la proposition du précédent cabinet : une loi interdisant les candidatures multiples fut votée. L’armée républicaine avait sur ses flancs le nouveau groupe de l’Union libérale qui, présidé par M. Barboux, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, recueillait les adhésions des conservateurs hostiles à la dictature. La droite monarchiste faisait ouvertement campagne avec les boulangistes[2]. En province, certains réactionnaires dressèrent, avec l’aide du clergé, les « cahiers de 1889 », où ils résumaient leurs revendications. Quant aux boulangistes eux-mêmes, ils ne paraissaient point rassasiés de tapage et de scandale. Leurs députés étaient devenus de véritables commis voyageurs en désordre ; ils cher-

  1. La chute du Comptoir d’escompte et le suicide de son directeur faillirent entraîner des désastres financiers. Avec une énergie et une promptitude remarquables, M. Rouvier sauva le marché de Paris en obtenant de la Banque de France et des banques privées les avances de fonds nécessaires pour désintéresser les déposants, créanciers du Comptoir.
  2. Son manifeste était empreint de violence et d’exagération ; il portait, à côté des signatures du duc de Doudeauville, du marquis de Breteuil, de MM. Jolibois, de Mackau, de Cassagnac, Léon Chevreau, Delafosse, de Martimprey, celles de MM. de Mun et Jacques Piou. On comprend l’hésitation de leurs électeurs à admettre l’évolution qui les amena peu après à la République.