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la crise (1885-1889).

Au lendemain du jour où son élection parisienne était venue couronner la série de ses triomphes électoraux, le général s’était rendu à Tours pour y formuler le programme de son gouvernement futur. Il le fit en termes ténébreux et équivoques qui ne précisaient rien et, par conséquent, ne l’engageaient à rien. Il était peu empressé, d’ailleurs, de voir intervenir une solution et ne souhaitait rien tant que de pouvoir indéfiniment prolonger cette « préface de son règne » dans laquelle il se complaisait. Entre lui et les membres du cabinet, la lutte semblait inégale. M. Tirard était redevenu premier ministre ; il avait pris, avec la présidence du conseil, le portefeuille du commerce[1] ; il était le ministre de l’Exposition ; c’était à M. Constans qu’incombait le rôle de généralissime des forces politiques ; à lui de choisir son terrain, de fortifier ses positions, de régler l’attaque, de tout préparer pour la grande bataille d’automne. On tenait M. Constans pour un homme énergique et habile ; il ne se montra pas inférieur à sa réputation. Ses premières mesures donnèrent tout de suite une idée de la conception qu’il se faisait de son rôle. Il n’hésita ni à poursuivre la Ligue des patriotes[2], ni à décourager

  1. Le Président de la République avait fait appeler M. Tirard après l’échec d’une combinaison Méline, Ribot, Casimir-Périer. Le ministère comprenait MM. Spuller (affaires étrangères), Constans, Rouvier, de Freycinet, Fallières, Thévenet, Yves Guyot et l’amiral Krantz qui, décédé peu après, fut remplacé par l’amiral Jaurès.
  2. Atchinoff, un aventurier cosaque, désavoué par la Russie, s’était installé à Sagallo. Le voisinage de l’Abyssinie rendait possible une intervention de l’Italie. Atchinoff reçut donc l’ordre de se retirer et refusa. Nos croiseurs, avec un peu trop de précipitation, bombardèrent alors son campement : il y eut cinq ou six tués. L’incident était malheureux. La Ligue des patriotes ouvrit aussitôt une souscription pour indemniser les familles des victimes et publia une violente protestation contre le gouvernement. La Ligue fut poursuivie, et une enquête mit à jour son organisa-