Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée
229
la crise (1885-1889).

effort de volonté l’avait tenu debout pour ceindre la couronne. Déjà ses forces le trahissaient. Quelques mois plus tard, il expirait, et désormais les destinées de l’Europe reposaient, pour une part, entre les mains d’un jeune prince dont on ne savait rien, si ce n’est qu’il semblait prendre trop d’intérêt aux choses militaires et vivre pour la guerre seule.

À l’intérieur, tout n’était pas obscur et troublé : le Président de la République avait entrepris de parcourir la province ; son affabilité, sa bonté, la façon si correcte dont il remplissait sa haute fonction, lui gagnaient tous les cœurs, et les républicains voyaient avec satisfaction monter cette popularité de bon aloi. Quant aux sénateurs, ils semblaient avoir échappé à l’influence déprimante du milieu ; ils demeuraient calmes et réfléchis comme de véritables « pères conscrits[1] ». Précisément, M. Floquet préparait un projet de revision des lois constitutionnelles qui ne tendait à rien moins qu’à déconsidérer le Sénat, en attendant qu’on pût le supprimer. Le président du conseil était vraiment mal inspiré ; il ne s’entendait pas mieux à apaiser les haines sociales qu’à se concilier l’opinion modérée, et parlait à tous un langage ambigu et ampoulé qui ne rappelait en rien ses allocutions de président de la Chambre, si pleines de goût et d’élégance. Les grèves se succédaient à Amiens, à Troyes, aux mines de la Loire, dans le Limousin. Jamais, il faut le reconnaitre, un chef de gouvernement ne s’était trouvé dans une semblable

  1. Les électeurs sénatoriaux eux-mêmes participaient du calme de la haute Assemblée, ainsi que le prouvérent les élections partielles en Eure-et-Loir et dans la Haute-Vienne.