Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée
228
la crise (1885-1889).

Le 8 avril, dans la Dordogne, Boulanger avait été élu par 59,500 suffrages contre 36,000. Le 15 avril, dans le Nord, il en avait recueilli 176,000 (parmi lesquels ceux de droite étaient en grand nombre). Il parut deux fois à la tribune de la Chambre, puis démissionna bruyamment pour se représenter en même temps dans le Nord, la Charente-Inférieure et la Somme. 130,000 voix dans le premier de ces départements, 57,000 et 77,000 dans les deux autres se portèrent de nouveau sur son nom. C’étaient maintenant les chefs royalistes, MM. de Mackau, de Lévis-Mirepois, de Mun, de Breteuil, qui lui donnaient leur concours ; le clergé suivait. À peine, dans les rangs conservateurs, quelques rares indépendants exprimaient-ils leur indignation. Le bruit courait que le comte de Paris avait mis sa main dans celle de l’aventurier : mais on ne savait encore rien de précis à ce sujet. Boulanger se gardait bien de mettre fin à une équivoque qui servait ses ambitions. Son duel avec le président du conseil et le ridicule d’avoir été blessé, lui général, par un avocat, l’étrange état-major dont il s’entourait, ses manifestes solennels et vides, rien ne semblait susceptible d’entamer sa popularité.

À l’extérieur, la situation était inquiétante. Au mois de mars, le vieil empereur d’Allemagne était mort, laissant le trône à son fils, devenu Frédéric iii, et le rescrit adressé au prince de Bismarck par le nouveau César avait étonné le monde. « Indifférent à l’éclat des grandes actions qui apportent la gloire, disait l’Empereur, je serai satisfait si, plus tard, on dit de mon règne qu’il a été bienfaisant pour mon peuple. » Mais celui qui prononçait ces nobles paroles était lui-même aux portes du tombeau. Un merveilleux