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la crise (1885-1889).

nombreuses réunions préparatoires laissaient en présence, à l’ouverture du congrès, les candidatures de MM. Jules Ferry, Floquet, de Freycinet, Brisson et Carnot. Le premier tour de scrutin ne donna pas de résultat ; au second tour, 616 voix républicaines portèrent à la présidence de la République française le petit-fils de l’organisateur de la victoire. L’effervescence se calma aussitôt, et chacun retourna à ses affaires[1]. L’Europe, qui suivait anxieusement le développement d’une crise qu’elle croyait grosse de périls pour la France, nota, avec une sorte de stupeur, cette preuve imprévue de la solidité et de l’élasticité de la constitution républicaine. Elle attendit avec une curiosité que la France partageait les actes du nouveau Président. M. Carnot était un homme distingué : il portait un nom illustre ; il avait été un ministre habile et intègre : mais sa modestie et la nature même de ses services ne l’avaient pas désigné à l’opinion : il était inférieur en notoriété à ses concurrents de la veille ; ce qu’on savait de son caractère disposait à la sympathie, et les Français crurent en lui lorsqu’il leur dit dans son message présidentiel : « Tout ce que j’ai de force et de dévouement appartient à mon pays. » L’avenir devait donner à ces paroles, qui sont aujourd’hui gravées sur le bronze et sur le marbre, une auguste et sanglante signification.

Celui qui disparaissait, après neuf années de présidence, avait perdu ses droits à la reconnaissance de la nation. Sa défaillance qui fut unique — tout porte à le croire — est

  1. Les injures prodiguées à M. Jules Ferry eurent, toutefois, un lamentable résultat. À la Chambre des députés, un fanatique tira sur lui. La balle, par miracle, s’aplatit sur sa poitrine : elle causa cependant une lésion qui, dit-on, hâta la mort de l’illustre homme d’État.