Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée
215
la crise (1885-1889).

du budget s’arrêta à une demi-mesure et ne consentit qu’une émission de 500 millions[1]. Puis peu à peu, repoussant ceci, acceptant cela, elle déséquilibra l’ensemble du projet et proposa, à la dernière heure, d’établir l’impôt sur le revenu[2]. Le désordre était complet ; le ministre des finances voulut se retirer ; il ne conserva son portefeuille que par patriotisme, sur les instances qui lui furent faites. L’ensemble du budget avait été renvoyé à la commission ; jamais pareille incohérence ne s’était manifestée ; on vota des réductions, des imposilions et des réformes également imprévues[3]. La suppression des sous-préfets, décidée contre l’avis du gouvernement, amena sa chute. Le ministère laissait derrière lui le souvenir d’une carrière peu brillante. Son initiative, en général, n’avait pas été heureuse ; il avait eu la main lourde à Châteauvilain[4] et avait péché par légèreté en Orient[5].

  1. L’emprunt eut lieu le 10 mai ; l’État offrait à souscrire pour 18,947,367 francs. Il en fut souscrit pour 401,819,513. Donc l’emprunt était couvert plus de vingt fois. Mais ce succès ne dénotait pas moins la stagnation des affaires.
  2. C’est au cours de cette discussion du budget que, le 6 novembre 1886, M. Raoul-Duval prononça le grand discours dont il est fait mention plus haut.
  3. Les crédits du Tonkin ne réunirent que 269 voix contre 245.
  4. Il s’agissait de la fermeture d’une chapelle ouverte sans autorisation dans une usine. Le fait que le propriétaire de l’usine accueillit en tirant quelques coups de revolver les gendarmes chargés de procéder à la fermeture de la chapelle indiquait chez celui-ci l’absence de l’esprit évangélique, mais ne légitimait pas de la part des gendarmes des décharges qui coutèrent la vie à des innocents.
  5. Le différend serbo-bulgare une fois réglé, la Grèce était demeurée en armes, forte de son bon droit, attendant toujours les compensations promises et maintenant ses réclamations, auxquelles il était visible que l’Europe se refuserait une fois de plus à donner satisfaction. M. de Freycinet voulut intervenir amicalement et fit remettre à M. Delyannis, par notre ministre, M. de Moüy, une note par laquelle la France engageait la Grèce à se concilier les sympathies de l’Europe en ne donnant pas pré-