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la france coloniale.

un homme qui reste, dans la fonction supérieure qu’on lui a confiée, exposé à subir toutes les fluctuations de la politique et auquel un coup de télégraphe, justifié peut-être à Paris, mais incompréhensible à Hanoï, vient enlever subitement son prestige en même temps que son pouvoir ? Ajoutez à cela les rivalités entre civils et militaires, entre la milice et l’armée régulière, et aussi ce détestable préjugé qui a consisté à se priver du concours des mandarins. « Proposer au peuple annamite, soit au Tonkin, soit en Annam, de faire son bonheur en supprimant les mandarins, c’est heurter toutes ses idées, tous les principes introduits dans son esprit par l’éducation[1]. » Du reste, « dans la pratique, on peut constater que la plupart des fonctionnaires, recrutés par nous en dehors des lettrés annamites, valent moins que les autres, sont moins honnêtes, moins consciencieux, dans l’accomplissement de leurs fonctions[2] ». Le protectorat pratiqué en Annam a longtemps « consisté en une sorte de juxtaposition dédaigneuse du gouvernement protecteur au gouvernement protégé ». Les résultats ont été tels qu’on pouvait le prévoir : « mécontentement permanent, misère chez le protégé, déficit budgétaire chez le protecteur, absence de travaux utiles, malaise du commerce, lassitude de la métropole[3] ».

Non contente de tenir ses fonctionnaires sous sa dépendance étroite, l’administration des colonies prétend leur donner les indications les plus détaillées et prévoir, appa-

  1. J.-L. de Lanessan, La colonisation française en Indo-Chine.
  2. Id.
  3. Id.