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la france coloniale.

change pas aussi souvent que ceux qui ont charge de l’appliquer », cette forme de domination est destinée à devenir « le type préféré de nos acquisitions coloniales ». Mais il est à peine besoin de faire observer combien différent devra être le régime du protectorat, selon qu’on l’applique à ces populations de l’Ouest africain, qui ont du gouvernement et de l’administration une notion si rudimentaire, ou bien aux peuples d’Indo-Chine, chez lesquels le respect des traditions et l’attachement aux vieilles institutions sont si profondément enracinés. Un empire aussi étendu et aussi varié que le nôtre ne peut se gouverner de Paris par le télégraphe ; il est puéril de l’avoir tenté. L’administration métropolitaine a souvent fait preuve d’une ignorance qui n’avait d’égale que sa bonne volonté. Au lieu de considérer l’Asie française comme un tout, elle s’en est tenue longtemps à l’idée des « protectorats séparés », contre laquelle le général de Courcy tenta en vain de réagir. Il en résultait une absence complète de suite dans les idées : chaque résident ou gouverneur général agissait à son gré, laissant tomber en désuétude les clauses des traités de 1884, ou bien s’attachant à les appliquer selon les circonstances ou d’après ses idées préconçues. De 1883 à 1891, il y a eu vingt résidents ou gouverneurs généraux, sept résidents supérieurs en Annam et huit au Tonkin[1]. On les a choisis souvent avec légèreté, mais on a surtout eu le tort, les ayant choisis, de les rappeler trop vite et trop facilement. Quel respect peut inspirer à un peuple qui se fait de l’autorité l’idée que s’en fait le peuple indo-chinois,

  1. J.-L. de Lanessan, La colonisation française en Indo-Chine.