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la france coloniale.

la République est demeurée fidèle aux traditions nationales.

Quand les premières blessures de 1870 se furent cicatrisées et que nous touchâmes à la fin de cette convalescence dont la brièveté surprit et inquiéta nos ennemis, les hommes d’État en qui le pays avait confiance se demandèrent de quel côté il convenait d’orienter son activité renaissante. Plusieurs motifs s’offraient à eux de choisir l’expansion coloniale. Jules Ferry, plus qu’aucun autre, en sentait la nécessité. Il a pris soin de s’en expliquer à la Chambre, un jour qu’on attaquait en sa personne la politique coloniale tout entière[1]. « Dans l’Europe telle qu’elle est faite, disait-il, dans cette concurrence de tant de rivaux qui grandissent autour de nous, les uns par les perfectionnements militaires et maritimes, les autres par le développement prodigieux de leur population, dans un univers ainsi fait, la politique de recueillement et d’abstention, c’est le grand chemin de la décadence… Rayonner sans agir, sans se mêler des affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion en Afrique ou en Orient, vivre ainsi, c’est abdiquer ! » Tous les États de l’Europe, en effet, se lançaient, les uns après les autres, dans la voie des conquêtes exotiques et de l’agrandissement des horizons commerciaux. S’en abstenir, c’était non seulement faire tort au pays, mais donner aux ennemis de la République l’occasion de la rendre responsable de la stagnation qui en résulterait[2]. D’autre part, les obstacles

  1. C’était le 25 juillet 1885, peu de mois après la chute du cabinet Jules Ferry : il s’agissait des crédits de Madagascar dont la demande n’avait pas été retirée par M. Brisson, le nouveau président du conseil.
  2. « Je comprends bien les partis monarchiques, continuait Jules Ferry