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la france coloniale.

tout temps cherché à dépenser leurs forces viriles bien plus qu’à acquérir la fortune ; et nous verrons que cette caractéristique de leur activité coloniale a survécu à la transformation si profonde du caractère national ; aujourd’hui encore, on trouve plus aisément des hommes de bonne volonté pour les missions périlleuses que pour les fondations lucratives.

La période qui s’étend de 1365, époque où déjà quelques établissements existaient en Guinée, jusqu’en 1628, date du premier conflit en terre lointaine avec l’Angleterre, est remplie de faits d’armes extraordinaires, de prouesses individuelles où se marque l’impulsion des instincts primitifs et des ambitions irraisonnées. C’est Jean de Béthencourt qui s’empare des îles Canaries (1402), c’est Jean Cousin qui tente la découverte des Indes orientales (1488). Ce sont Paulmier de Gonneville, Denis de Honfleur, Thomas Aubert, Jean Parmentier, surnommé « Il gran capitano francese », Adalbert de la Ravardière et tant d’autres dont les noms sont presque oubliés. Il y a aussi des vengeurs : tel le brave Ango, qui capture trois cents bateaux et, remontant le Tage, impose la paix à Jean iii de Portugal, coupable d’avoir fait couler des navires français dans les eaux brésiliennes (1539) ; tel encore ce gentilhomme de Mont-de-Marsan, de Gourgues, qui part de Bordeaux avec deux cents hommes, le 2 août 1567, pour venger les neuf cents Français massacrés deux aus plus tôt par les Espagnols, dans la Caroline[1], en immole à son tour près de quatre cents, et revient chez lui le cœur con-

  1. Ribaud, de Dieppe, envoyé par Coligny en Floride, avait baptisé la terre qu’il visita du nom de Caroline, en hommage au roi Charles ix.