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le ministère jules ferry.

mains vous voulez en confier l’exécution. » Les députés n’entendirent pas ce langage ; ils n’avaient plus la notion de ce que la situation commandait : ils accablèrent le ministre d’outrages. Le Palais-Bourbon donna ce jour-là le plus honteux spectacle ; peu de temps avant, la terrible nouvelle de la chute de Karthoum, dont le gouvernement britannique portait la lourde responsabilité, avait été reçue à Westminster avec une dignité calme que l’opinion tout entière avait reflétée ; le contraste n’en était que plus affligeant pour les amis de la France. 149 voix républicaines défendirent seules Jules Ferry contre la coalition de 306 voix que la haine et la peur dressaient devant lui[1].

Quelques heures avant sa chute, sur laquelle il ne se faisait guère d’illusions, Jules Ferry avait présidé la séance d’ouverture de la conférence pour la neutralisation du canal de Suez. Quelques semaines plus tôt, l’acte final de la conférence de Berlin avait marqué un succès de plus à l’actif de notre diplomatie. Le président du conseil laissait, à l’extérieur, la France forte et respectée ; à l’intérieur, il demeurait le chef véritable de la majorité ; on le comprit bien lorsqu’on vit son successeur continuer, malgré lui, sa potitique et s’en réclamer. En peu de jours, d’ailleurs, l’opinion fut instruite. Le télégramme arrivé d’Hanoï le 1er  avril disait : « L’évacuation de Langson, à la suite de la blessure du général de Négrier, semble avoir été un peu précipitée : la situation est, en résumé, meilleure que ne le faisaient prévoir les renseignements exagérés parvenus

  1. Une proposition de mise en accusation soutenue par M. Delafosse fut heureusement écartée.