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avant-propos.

1852 à 1870 ; le contraste entre cette société et les « nouvelles couches » qui lui succédèrent explique la consolidation de la République : « L’homme de la société avec ses dédains frivoles passe presque toujours, sans s’en apercevoir, à côté de l’homme qui est en train de créer l’avenir ; ils ne sont pas du même monde ; or l’erreur commune des gens de la société est de croire que le monde qu’ils voient est le monde entier[1]. » La classe dirigeante de l’Empire était, par excellence, un syndicat de protection coupable de beaucoup d’égoïsme et d’un goût dangereux pour l’immobilité ; chacun d’eux, pouvait-on dire des syndiqués, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres ; ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point[2]. »

L’esprit de solidarité, au contraire, unissait étroitement tous ceux qui, voyant venir une ère nouvelle, sentant que le pays allait « s’éprendre de contrôle et de garanties[3] », travaillaient à se rendre dignes de le gouverner, le jour venu. Ceux-là avaient la foi ; ils croyaient fermement que « les institutions libres sont

  1. E. Renan, Saint Paul, ch. viii.
  2. Alex. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. iii. Voir, sur les excès de centralisation et d’individualisme, l’amusante satire de M. Laboulaye, Le prince Caniche.
  3. Jules Ferry, Discours et Opinions, t. ier.