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avant-propos.

et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple. »

La révolution de 1830 s’était faite contre l’ancien régime, dont un retour offensif plus apparent que réel alarmait la nation. La révolution de 1848 se fit contre la bourgeoisie, qui s’était donné le rôle d’avant-garde de la démocratie et l’avait ensuite méconnu[1]. Mais la République avait cette triple infortune de rappeler des souvenirs sanglants, d’alarmer l’Europe et d’être entourée dans son berceau par les utopies les plus généreuses et aussi les moins rassurantes. En vain fit-elle bénir les arbres de la liberté ; on rendait justice à ses intentions, on ne croyait pas à son avenir. Pour qu’elle pût s’établir d’une façon stable, il fallait la dégager « de la redoutable solidarité de la Convention[2] ». Les hommes de 1848 ne le pouvaient pas ; entre leurs mains, le peuple des campagnes et la petite bourgeoisie des villes sentaient vaguement leurs intérêts menacés. À l’ombre de la première barricade, ils prirent peur. Louis-Napoléon se présenta comme le défenseur de l’ordre ; on l’acclama.

Il est puéril de représenter l’Empire comme s’étant établi malgré le pays, contre le gré des citoyens. La vérité est que le coup d’État eut l’approbation de la majorité, et que les proscriptions qui l’accompagnèrent

  1. E. de Pressensé, Variétés morales et politiques. Paris, 1886.
  2. Id., ibid.