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la tunisie et l’égypte.

fendre lui-même son canal et avait obtenu d’Arabi la promesse que la liberté de la navigation n’y serait point entravée, excitait l’enthousiasme ; d’autant qu’on attendait en vain des gouvernants une direction, une déclaration quelconque qui satisfît au moins l’amour-propre national. M. de Freycinet demanda des crédits pour l’armement de la flotte, en protestant, il est vrai, qu’il n’en ferait pas usage[1]. Quand on passa au vote, les crédits furent repoussés. Tout le monde était de méchante humeur parce que chacun se rendait compte de sa part de culpabilité comme aussi de l’inconséquence forcée qui subsistait entre les secrets désirs et les actes. Si le gouvernement manquait à son devoir en ne dirigeant point, on pouvait, en lui votant des crédits supérieurs à ceux qu’il demandait, l’obliger en quelque sorte à intervenir. Et à cette date il en était temps encore ; les troupes de l’armée des Indes n’avaient pas débarqué à Suez[2]. La vérité est que les députés reculaient devant cette même responsabilité qu’ils reprochaient aux ministres de ne pas assumer ; et quand ceux-ci se furent retirés, nul ne songea qu’on pût raisonnablement former un ministère d’intervention. Le danger était trop évident ; et en cas d’intervention[3], l’attitude

  1. Lors de la discussion des crédits. M. de Freycinet se vit en butte à des attaques presque générales. Il reconnut que la France avait désormais « des griefs positifs » qui lui donnaient « le droit d’intervenir », mais il montra à nouveau sa répugnance à s’engager dans une voie qu’il jugeait dangereuse. Son attitude fut blâmée au Sénat, le 25 juillet, la commission, tout en concluant à l’adoption des crédits, adressa au gouvernement, par l’organe de son rapporteur, M. Schérer, une admonestation énergique. Le 29 juillet, les crédits furent repoussés et le cabinet se retira. M. Duclerc prit le pouvoir.
  2. Le débarquement eut lieu dans les premiers jours d’août.
  3. Ce sentiment se marqua à la séance de la Chambre du 23 février 1882 lorsque M. Francis Charmes envisagea l’opportunité d’une intervention