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la tunisie et l’égypte.

ral Conrad ayant reçu l’ordre de s’éloigner d’Égypte avec l’escadre française, les Anglais n’avaient pas hésité à agir seuls et à mettre l’Europe en présence du fait accompli ; fait de guerre que n’avait précédé aucune déclaration d’hostilité et que ne légitimait pas même l’événement tragique qui en avait été la cause occasionnelle.

Le caractère de la crise se précisait maintenant : au début l’Angleterre et la France étaient hésitantes entre le désir de n’avoir pas à partager si les choses tournaient bien et la crainte d’avoir agi isolément pour le cas où elles tourneraient mal ; en même temps on avait vu Arabi, chef du parti nationaliste, défendre les prérogatives du Sultan et celui-ci le désavouer officiellement tandis que ses représentants l’encourageaient en secret. Puis tandis qu’en France l’incertitude augmentait, l’AngIeterre s’était peu à peu faite à l’idée de la lourde responsabilité qu’entraînerait son intervention. Sans plus s’occuper des conversations qui continuaient de s’échanger entre diplomates à Constantinople[1], elle marchait désormais droit au but. Chez nous, les esprits s’échauffaient : certains journaux, oublieux des encouragements que, trois mois plus tôt, ils avaient adressés à l’Angleterre, l’accusaient à présent de trahison. L’attitude de M. de Lesseps, qui prétendait dé-

  1. La conférence continua ses travaux sans éclat ; elle ne s’occupa point du bombardement d’Alexandrie qui l’embarrassait, mais rédigea une note dite du 15 juillet qui invitait le Sultan à occuper militairement l’Égypte avec le concours des puissances. La Porte, se ravisant, accepta de prendre part aux discussions : il fallut tout recommencer. Finalement on se borna à une déclaration d’entente platonique en vue de maintenir la liberté du canal. L’attitude de lord Dufferin à la conférence avait été s’accentuant chaque jour ; il déclara enfin, à la date du 30 juillet, que les troupes anglaises ne se retireraient point, mais que l’Angleterre accepterait, à de certaines conditions, le « concours » de la Turquie.