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la tunisie et l’égypte.

fonctionnaire. La campagne fut très habilement menée ; tous les ennemis de M. Roustan, tous ceux dont son énergie avait lésé les intérêts, saisirent une si belle occasion de vengeance. Les jurés troublés par ce monde inconnu qui se levait devant eux, ébranlée par la singulière attitude de M. de Billing, acquittèrent l’Intransigeant qui triompha insolemment.

Les Parisiens trouvèrent cela charmant ; le dilettantisme frivole et sceptique qui fut si longtemps l’état d’âme des habitués du boulevard s’en divertit infiniment. Les questions nationales n’étaient pas encore envisagées avec ce respect qu’elles devaient inspirer plus tard, même aux plus légers ; à voir ce déchaînement de passions mesquines, ce déluge de mensonges et de calomnies, cette mobilité de l’esprit public, plus d’un républicain dut se demander avec angoisse ce qu’il adviendrait d’un régime de libre discussion chez un peuple encore si peu maître de son jugement.

Les détails qui précèdent étaient nécessaires pour fixer l’état de l’opinion à un moment décisif de notre histoire, à l’époque où la République, dûment établie de fait, entreprenait de s’assimiler définitivement la France. S’ils sont affligeants à relire, ils permettent, d’autre part, de se rendre compte des progrès accomplis depuis lors ; et cette comparaison autorise la confiance et l’espoir.

Le gouvernement n’eut point de défaillance ; M. Roustan, énergiquement soutenu, retourna à son poste où il acheva de se tailler, dans l’histoire de la Régence, une place assez belle pour le consoler de ses déboires. Le 1er  décembre 1881, Gaubetta, devenu premier ministre, eut à s’expli-