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avant-propos.

tisme, l’opinion la subissait ; le régime qui allait s’imposer à la France et marquer un dernier temps d’arrêt avant l’accomplissement de ses nouvelles destinées, c’est encore Tocqueville qui le définit par anticipation avec une sûreté de vue prophétique ; c’est l’idéal napoléonien-jacobin, radical, socialiste aujourd’hui. C’est « un pouvoir immense et tutélaire[1] qui se charge seul d’assurer les jouissances des citoyens et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance : il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leur succession, divise leur héritage : que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? — J’ai toujours cru, ajoutait l’illustre écrivain, que cette sorte de servitude réglée, douce et paisible, pourrait se combiner, mieux qu’on ne l’imagine, avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté,

  1. De la démocratie en Amérique, t. iii.