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l’alerte de 1875

d’ordre. Le vicomte de Gontaut écrivit au duc Decazes, lui manifestant ses inquiétudes, et le ministre avisa M. Gavard, notre chargé d’affaires à Londres (le comte de Jarnac venait de mourir), et le général Le Flô, notre ambassadeur à Pétersbourg. Chaque jour, le gouvernement du maréchal s’attendait à être attaqué, il avait été décidé que tout aussitôt nos troupes se retireraient derrière la Loire et que la France en appellerait à l’Europe de cette violation du droit. On crut le moment venu quand le prince de Hohenlohe se présenta au quai d’Orsay porteur d’une grave communication de son gouvernement, relative à nos armements « qui préoccupaient l’Allemagne ». Mais fort heureusement ni le comte Andrassy, ni le prince Gortchakow, ni lord Derby et M. Disraëli ne tombèrent dans le piège qu’on leur tendait. Il était trop évident que la France n’avait donné à l’Allemagne aucune cause de mécontentement. On apprit bientôt que lord Odo Russell était intervenu à Berlin, et d’autre part le général Le Flô transmit, de Pétersbourg, une promesse formelle d’appui[1]. L’opinion, qui ne savait

  1. On a dit que la reine Victoria intervint directement auprès de l’Empereur d’Allemagne. La chose est très probable. En tous les cas, le 24 mai suivant, lord Hartington ayant interrogé le premier ministre à ce sujet, M. Disraëli répondit : « Il est exact que le ministère a conseillé à Sa Majesté d’adresser des représentations au gouvernement de l’Empereur d’Allemagne relativement à l’état des relations entre la France et l’Allemagne. Le but de ces observations était de rectifier des notions inexactes et d’assurer le maintien de la paix. Ces observations ont reçu une réponse satisfaisante. » Guillaume ier, qui lisait peu les journaux, ignora, dit-on, ce qui se passait, et l’apprit par le comte Schouwalof, ambassadeur de Russie à Londres, lequel s’arrêta à Berlin en regagnant son poste. Malgré les dénégations de son chancelier, l’Empereur devina bien vite l’auteur et ses mobiles secrets, ainsi que l’indique cette parole adressée par lui à M. de Gontaut sur la fin de la crise : « On a voulu nous brouiller, mais tout est fini maintenant. » — Voir le récit de ces événements trouvé dans les papiers de M. Charles Gavard et publié par le Correspondant (novembre 1893).