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l’alerte de 1875

préparé à gouverner au dedans, il ne s’était guère préparé à négocier au dehors ; or une diplomatie ne s’invente pas et des diplomates ne s’improvisent guère.

La sagesse, le patriotisme facilitèrent toutes choses ; mais on ne doit pas moins, en considérant combien la tâche fut ardue, rendre hommage à ceux qui l’acceptèrent avec dévouement et la remplirent avec habileté.

Le 9 septembre 1870, Jules Favre, ministre des affaires étrangères de la Défense nationale, avait « supplié M. Thiers d’aller solliciter le concours du cabinet britannique[1] ». L’Angleterre était, de toutes les puissances européennes, celle que le renversement d’un trône laissait le plus indifférente, et son intérêt semblait être de ne pas permettre à l’Allemagne d’abuser de sa victoire. Il était naturel de s’adresser à elle en premier lieu ; or M. Thiers ne voulut pas aller à Londres sans aller à Rome, à Vienne, à Pétersbourg principalement. Avait-il cette arrière-pensée qu’étant le chef nécessaire du gouvernement qui allait s’établir, il était désirable qu’il pût « présenter la République à l’Europe en sa personne[2] » ? Ce plan n’était pas heureux. C’était là une politique de sentiment ; M. Thiers était un mauvais diplomate ; il dissimulait mal ses pensées intimes, et une confiance trop grande en son propre prestige le retenait d’adopter le langage et les manières des chancelleries. D’ailleurs, l’entreprise dépassait toutes les forces et tous les talents[3].

  1. Debidour, Histoire diplomatique, vol. ii.
  2. Id.
  3. On a prétendu que pendant le voyage de M. Thiers, le comte de Chaudordy qui représentait les affaires étrangères dans la délégation de