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l’alerte de 1875

tenir isolée, même si la forme de son gouvernement semble lui interdire de négocier des alliances avec les nations voisines. Les monarchies les plus autoritaires, les plus imbues des doctrines du droit divin, ont été amenées par la force des choses à s’entendre avec des gouvernements révolutionnaires, qu’elles avaient tenté d’ignorer ou avec lesquels elles avaient voulu d’abord n’avoir que des relations lointaines et discrètes. Or tel n’était pas le cas pour la troisième République, régulièrement et légalement constituée[1]. Aussi les hommes d’État français, sans aller à l’encontre des sentiments de prudente réserve qui dirigeaient l’opinion et facilitaient du reste leur tâche, se gardèrent-ils de montrer à l’égard de l’Europe une indifférence et un détachement qui eussent nui aux intérêts dont ils avaient la charge.

Les probabilités d’avenir, en 1871, étaient pour une alliance avec l’Autriche. On la sentait unie à regret à nos vainqueurs, et le souvenir de Sadowa effaçait celui de Solférino. La similitude des destinées devait porter l’un vers l’autre, semble-t-il, deux peuples qu’une guerre de hasard avait fait ennemis, entre qui l’estime et l’amitié avaient subsisté[2]. L’Italie, par son ingratitude officielle que ne compensait pas le dévouement de quelques-uns de ses fils ;

  1. L’idée exprimée par l’amiral La Roncière-Le Noury que « la forme de son gouvernement interdisait à la France de reprendre sa place dans le concert européen », fut partagée au début par un certain nombre de républicains, qui s’en affligeaient sans y entrevoir de remède. Bien entendu, l’amiral se vit retirer le commandement de l’escadre de la Méditerranée pour s’être permis publiquement une semblable incartade (1875).
  2. Il est à remarquer que, malgré sa longue participation à la Triple Alliance, l’Autriche n’a point d’ennemis en France : l’empereur François-Joseph est le seul des souverains de la Triplice qui ait pu venir chez nous, certain d’y être accueilli avec une sympathique déférence. (Note de 1895.)