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hasard, je rêve que je suis rentré au collège, je me réveille avec un battement de cœur. »

Mais autre chose est d’y rentrer pour un instant, de prendre plaisir à revoir les murailles sombres, les corridors lugubres, les cours étouffées ; c’est là un sentiment très humain ; l’homme recueille les souvenirs de ses souffrances avec plus d’avidité que les souvenirs de ses joies, et ceux qui les ont partagées restent toujours plus ou moins ses amis. Formez une association amicale des anciens forçats libérés et permettez à cette association de donner en plein bagne son banquet annuel ; il viendra des convives de partout. Et puis encore, la distance est une grande trompeuse ; contemplez du haut d’une montagne la plaine toute ravinée, toute coupée de fondrières que vous venez de traverser ; le sol paraît uni ; ravins et fondrières ne sont plus visibles. De même quand les mauvais jours ne sont pas trop nombreux dans la vie d’un enfant, l’impression qu’ils ont produite va s’effaçant de plus en plus ; la jeunesse, en fuyant, contribue à en atténuer l’amertume : on la regrette si fort qu’aucune douleur ne peut lutter avec ses charmes et que ceux-ci font oublier tout le reste. Enfin, il y a pour nous, Français, un dernier palliatif. L’internat, tel qu’il existe, n’est pas nouveau chez nous ; bien au contraire, il a été un peu amélioré en ces derniers temps ; dès lors, il bénéficie du respect que nous portons, nous, peuple changeant, aux choses immobiles. Les enfants vont au collège parce que les pères y ont été ; il faut bien passer par là et en tenant de semblables propos à vos héritiers, messieurs, vous éprouvez un indéfinissable mouvement de fierté ; vous êtes presque contents d’avoir porté un harnais très lourd et d’être encore debout. N’importe, j’en reviens à ce que je disais tout à l’heure ; beaucoup de citoyens maudissent leur faiblesse de caractère, leur pessimisme et leurs rhumatismes, et s’ils découvraient que l’éducation en est responsable, à l’instant ils prendraient des haches pour démolir