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lui revient qu’en partie après beaucoup d’efforts et jamais il n’est complètement honnête. Or, dans nos collèges français, je le constate avec regret mais avec certitude, on ment effroyablement et, chose plus incompréhensible encore, beaucoup de maîtres n’y attachent qu’une importance secondaire : une narration bien tournée, un problème bien fait leur masquent la valeur d’une conscience droite.

Continuons notre investigation psychologique ; il y a encore une catégorie d’élèves dont je n’ai pas parlé ; il y a les faibles, ceux dont l’éducation devrait faire des forts et dont elle ne fait trop souvent que des peureux ou des brutes. Cet enfant pâle, chétif, qui, soudainement transporté dans ce collège, en a d’abord été tout étourdi, commence maintenant à se remettre et regarde autour de lui ; bien vite, il comprend la situation : aller grossir le petit noyau de ceux qui entourent les maîtres, leur servir d’émissaire, d’espion, être pour ce motif victime par les autres et avoir, pour compenser ces mauvais traitements, la satisfaction malsaine de faire punir de temps en temps les coupables ; — ou bien se joindre à la majorité et apprendre d’elle l’art d’être dur et méchant, de persécuter et de victimer à son tour : voilà l’alternative. Dans le premier cas on devient peureux ; dans le second on est une brute. Où donc est ce gymnase moral où l’on essaye progressivement ses forces, où l’on devient chaque jour plus hardi, où l’on grimpe chaque jour plus haut ? donc est-il ? Et s’il n’existe pas, comment former des caractères ?

Et enfin, il est un point plus douloureux, plus terrible ; l’ennui, la paresse, l’anémie, la brutalité ont une résultante unique qui est l’immoralité. Oui, l’immoralité a envahi nos collèges ; elle y existe en paroles, en pensées et en actions. Ce n’est pas d’hier, au reste, que le mal a été signalé ; je voudrais pouvoir vous lire un rapport de M. Sainte-Claire-Deville, daté d’il y a vingt ans et appelant sur ce grave sujet