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Il y a un sentiment général qui plane sur nos collèges et que je considérerais volontiers comme la source de tout le mal : c’est l’ennui. Les enfants s’ennuient et les professeurs aussi. C’est que ces êtres vivants souffrent, les uns et les autres, d’habiter un lieu où la vie est arrêtée et remplacée par une sorte de mouvement factice fait de régularité, d’obéissance et de raisonnement. Tout leur conviendrait plutôt que cette inertie de l’âme et du corps ; le labeur n’est pas bien dur, peut-être, mais rien n’y fait trêve et maîtres et élèves traînent une existence irrésistiblement misérable. Parmi ces derniers, quelques-uns ont parfois l’air de se résigner, de prendre leur parti ; on les voit alors se plonger dans l’étude ; leurs livres sont leurs seuls compagnons ; une passion précoce pour la science, l’ambition ou bien une énergie naturelle les poussent dans cette voie. Alors se produit le fait suivant : les maîtres, trouvant enfin des sujets intéressants au sein de cette plate uniformité d’enfants, s’attachent à ceux-là et leur témoignent de la bienveillance ; et aussitôt leurs camarades se détachent d’eux et les regardent avec méfiance : c’est que la masse ne peut admettre qu’on passe à l’ennemi, et le maître, voilà l’ennemi !

Telle est, si je ne me trompe, la formule de ce qu’on appelle le mauvais esprit. C’est un mot fréquemment employé et très mal choisi. Le mauvais esprit désigne, à proprement parler, une tendance mauvaise de l’esprit humain qui le porte à rejeter toute contrainte, à mépriser toute autorité ; à part quelques exceptions, cette tendance est très faible chez l’enfant ou mieux chez l’adolescent ; jusque très avant dans sa croissance, il obéit à l’impulsion inverse et cherche un appui, un guide : il vient à tous, il vous consulte… à condition qu’il vous sente son ami. Ce qu’on appelle le mauvais esprit provient d’une autre source : c’est une hostilité déclarée non point contre l’autorité en elle-même, mais contre celui qui l’exerce, qui fait souffrir avec