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histoire universelle

ce prince. En étudiant son règne, on est frappé des analogies qu’il présente avec celui de Louis XIV. À cinquante ans de distance les deux monarques accusent de nombreux traits communs. Même volonté de tout diriger, même assiduité au travail, même subordination de l’homme privé capable de s’humaniser à l’homme public incapable de se laisser fléchir ; même infatuation de la dignité royale ; surtout même passion d’unifier les territoires aussi bien que les consciences. Philippe II persécute les « morisques » — ces chrétiens de nom demeurés musulmans de cœur — pour le même motif qui dressera Louis XIV contre les protestants. L’annexion du Portugal[1] évoque celles que prononceront les « chambres de réunion » d’Alsace. La flotte géante, « l’invincible armada » est lancée contre l’Angleterre — comme plus tard les armées françaises contre la Hollande par orgueil et rancune personnelle. Mais le parallèle qui pourrait être poussé plus loin s’estompe si l’on veut considérer qu’entre le roi d’Espagne et le roi de France, il y a malgré tout le contraste psychique qui oppose l’Escurial à Versailles et fait de l’un le temple angoissé de la mort et de l’autre le château de la vie somptueuse.

Philippe III (1598-1621) et Philippe IV (1621-1665), princes sans moyens et sans caractère, laissèrent s’effriter l’armée, la marine, les finances. Des favoris sans scrupules, une noblesse insatiable s’arrachèrent les dépouilles de l’État. Des révoltes en Catalogne et en Portugal, l’expulsion des « morisques » que Philippe II avait du moins conservés dans le pays et qui représentaient le meilleur élément au point de vue agricole, l’intolérance croissante du clergé dont les effectifs approchaient du demi-million, l’abaissement des études dans les trente-cinq universités de la péninsule jadis prospères… et pourtant la puissance espagnole inquiétait au dehors tant le cadre en restait vaste.

viii

Alliée de la France au temps de Richelieu, la Suède se détacha de cette alliance sous Louis XIV. On ne sut pas l’y retenir mais il faut avouer que les circonstances n’y étaient pas

  1. Le roi Sébastien de Portugal s’étant en 1578 lancé dans une intervention religieuse et guerrière au Maroc y périt sans laisser d’héritiers directs. Philippe II, fils d’une infante portugaise en profita pour s’imposer. Il n’y eut pas de peine mais le peuple demeura muré dans ses regrets et dans son hostilité. On vit bientôt qu’il ne renoncerait jamais à son indépendance.